pour satya
Satya
je t'envoie ce message,
je ne sais pas si tu l'auras, je ne sais pas si tu le liras, mais il
fallait que je t'écrive, il le fallait. je ne savais pas où,
j'ai fini par trouver ce site, je me trouve très bête de
faire ça, de t'écrire ici, comme ça, j'ai
l'impression d'être le sale monsieur qui se permet trop de
choses, qui n'a pas compris que sa route doit continuer, qu'il ne
faut pas trop penser, celui qui n'a rien compris.
depuis mon départ
de rouen les choses sont devenues plus graves pour moi, j'ai perdu
mon statut d'intermittent du spectacle, je n'ai pas le nombre
d'heures necessaire, je ne peux plus prendre la route, je vis seul là
où ma caravane se trouve, je n'ai plus de travail, et c'est
dur. je n'aime pas dire que c'est dur, je n'aime pas ça, je ne
veux pas me plaindre, je ne veux pas faire pitié, mais là,
cette fois, c'est trop.
je n'aime pas dire d'où
je viens, ni dire que les fantomes ne me font plus peur parce qu'ils
ont un visage que je connais depuis longtemps, trop longtemps. je me
bats tous les jours depuis des années pour aller bien, pour
prendre soin de moi, et je vais bien, ma vie est une belle vie, je
rêve beaucoup, j'imagine, et je construis plein de belles
choses pour moi, qui me font du bien, qui me rendent souvent heureux.
j'ai vécu.
beaucoup.
Quand j'étais
petit ma première amoureuse est morte au moment de noël,
j'ai mis 15 ans à m'en remettre, pour finalement rencontrer
quelqu'un qui un jour m'a abandonné comme on abandonne un
animal sur la route, alors que nous devions partir faire le tour du
monde, avoir des enfants, vivre heureux. Je ne l'ai plus revu, plus
jamais parler, plus jamais comprise. Pendant de long mois j'ai eu en
moi tout ce silence qui m'a tant fait de mal.
J'ai fait des milliers de
kilomètres pour accepter, pour ne pas tomber par terre et
refuser de ne plus jamais avoir le sourire. Et j'ai réussi,
j'ai réussi à ne pas vouloir tout arrêter, à
ne pas disparaitre de cette planète. je vis, j'aime cette vie,
je la porte seul, et je n'ai aucune haine, aucun regret. juste cette
envie de vivre heureux encore et encore.
j'ai fait beaucoup de
rencontres, beaucoup de très belles personnes, qui m'ont donné
plein de beaux souvenirs, plein.
Et puis un beau jour
alors que je n'avais en tête que de créer ce spectacle
des "passagers", te voilà sur ma route, et je
n'arrive pas, depuis, à la continuer comme avant. je déteste
cet écran plat d'ordinateur, ces mots, ce téléphone
portable, le virtuel, le froid, la nostalgie, les grandes
déclarations sans fin, les drames, et pourtant, je suis là,
à te laisser ce message sans fin comme un con.
je suis nomade depuis
longtemps, je suis libre depuis toujours. je n'aime pas promettre de
grandes choses que la vie essaie toujours de détruire au bout
du compte, j'aime vivre le présent, simplement, sincèrement.
et pourtant, depuis que je t'ai vu remonter cette escalier, cette
nuit, à rouen, j'ai le ventre qui crie, j'ai la tête
ailleurs, j'ai tout le temps faim, j'ai envie de courir partout
encore plus, j'ai envie de savoir qui était vraiment cette
personne, toi, que je n'arrive pas à laisser partir, comme si
de rien n'était, comme s' il fallait reprendre la route et
laisser l'autre devenir un bon souvenir. Tu dois me trouver
complètement fou, je ne le suis pas, je vis, tout simplement.
je sais.
je sais que je ne dois
certainement rien attendre, rien esperer, tu ne dois certainement ne
pas aimer ce que je suis en train de faire, tu as une vie, ailleurs,
ta vie.
depuis toujours je
m'interdis de ne pas dire ce que je ressens , même si c'est
trop pour les autres, même si je me sens ridicule de le faire,
là. je ne peux pas faire semblant, je ne peux pas garder le
silence, parce que j'aimais m'asseoir à tes côtés,
parce que j'aimais te raconter des choses, te répondre,
t'écouter, apprendre un peu plus à te connaitre, si
peu, et pourtant. Parce que très longtemps je vis sans avoir
eu ça au fond de moi, ces toutes petites choses de rien du
tout qui boulversent, et que l'on trouve chez une autre. Et pas
ailleurs. Non. Pas ailleurs.
Ce n'était peut
être qu'un moment parmis tant d'autres, quelque chose de
dérisoire, sans grande importance, seulement moi, moi, ça
me reste gravé dans le ventre.
je ne suis pas doué
pour toutes ces choses là, et je suis resté peut être
trop longtemps solitaire pour réussir à dire ce que je
ressens.
je crois en des choses
belles et simples, en une certaine forme de folie, en l'être
humain, en ce que je ressens.
je n'ai pas tout dit, je
ne dirai pas tout.
je suis capable de rêver
encore bien longtemps d'un jour où je recevrai un signe de
toi, d'un jour où nous
serions à nouveau côte à côte, même
si cela n'arrivera peut être jamais.
Je suis capable de rêver
encore bien longtemps de tout ce qu'il possible de faire dans une
vie, même si des fois cela reste impossible.
je voulais juste te dire,
qu'au bord de la route, un nomade, un promeneur, rêve de te
voir t'approcher, aussi loin sois tu.
je connais le silence, je le connais par coeur,
mais du fond de mes
rêveries, le silence aujourd'hui à des airs de
cauchemard.